jeudi 2 août 2012

Lettre à la directrice de l'ARS

...pour le financement de l’hôpital public d’Autun (lettre)


Madame la Directrice,

Nous avons appris incidemment les graves problèmes financiers de l’hôpital d’Autun. Ceux-ci seraient dus d’une part à la suppression par vos services des crédits accordés annuellement à l’hôpital pour compenser les dépenses supplémentaires générées par son implantation sur deux sites (Latouche et Parpas), et d’autre part par le non versement, toujours par vos services, de crédits qui avaient été alloués à l’hôpital, en particulier pour ses missions de service public.

Nous ne comprenons pas votre décision de supprimer les crédits accordés pour compenser les dépenses imputables à l’implantation de l’hôpital sur 2 sites.
  • Il faut se souvenir que si cette situation existe, c’est parce qu’il a été décidé au début des années 1990 de fermer le service de chirurgie de l’hôpital public situé boulevard Frédéric Latouche et d’en transférer toute l’activité (hors chirurgie gynécologique
), y compris les urgences chirurgicales, à la clinique privée du Parc, située Avenue du Morvan. Ce montage a forcement été approuvé par les tutelles de l’époque.
  • L’acceptation de cette configuration est d’autant plus étonnante qu’implanter les urgences médicales et les urgences chirurgicales sur deux sites séparés d’un peu plus d’1km, ne pouvait que conduire à des catastrophes. C’est d’ailleurs ce qui a failli se produire fin 1995, quand un patient qui présentait une rupture de rate a été déposé aux urgences médicales de l’hôpital boulevard Frédéric Latouche, avec un diagnostic de douleur abdominale. Suite à cet « incident », la nécessité de regrouper sur un seul site toutes les urgences est devenue une évidence pour la nouvelle municipalité, d’où la construction du nouvel hôpital contigu à la clinique (site Parpas), avec les conséquences financières qui en découlent.
  • Nous sommes conscients que cette configuration des services MCO/urgences d’Autun, qui est efficace sur le plan médical, ce qui est important pour la population, génère des surcoûts côté hôpital public, ces surcoûts étant compensés par les crédits que vous venez de supprimer. Mais ce montage onéreux n’est que la conséquence de décisions administratives prises et approuvées il y a 20 ans, décisions que vous devez maintenant assumer. La population n’a pas à faire les frais des erreurs de planification autorisées par vos prédécesseurs.

    D’ailleurs, on comprendrait mal que les services qui traitent les urgences tant médicales qu’obstétricales à l’hôpital d’Autun, soient fermés pour un simple problème de financement, alors que vous venez de recevoir une instruction de la ministre des affaires sociales et de la santé (INSTRUCTION N°DGOS/R2I20121267 du 3 juillet 2012 relative au temps d'accès en moins de trente minutes à des soins urgents) stipulant que « l'accès de la population à des soins urgents en moins de trente minutes est une priorité du Gouvernement. L'objectif étant qu'une réponse au besoin de soins urgents de la population soit proposée sur tout le territoire». Je vous rappelle que de nombreuses communes rattachées au SMUR d’Autun parce qu’il en est le plus proche en temps d’accès, sont déjà à plus de 30 minutes du plateau technique capable de traiter les urgences (chirurgie, médecine et obstétrique). Il serait donc inadmissible et contraire aux priorités du Gouvernement, de fermer les services de l’hôpital d’Autun.


    Concernant la maternité, si jusqu’à présent nous considérions, à dire d’experts, qu’un trajet de plus de 45 minutes pour arriver à la maternité pouvait poser des problèmes lors de l’accouchement, nous savons maintenant grâce à l’enquête effectuée en Bourgogne (dont je vous ai transmis une copie des résultats) que chez les femmes qui habitent à plus de 30 minutes d’une maternité, on enregistre 20% de plus de mort-nés, d’hospitalisations avant la naissance et de souffrances foetales aiguës qui peuvent être à l’origine de handicaps neurologiques chez les enfants. Les taux de ces accidents sont multipliés par 2 à partir de 45 minutes. Par ailleurs, dans l’enquête bourguignonne, comme dans l’enquête nationale effectuée à partir des données de l’état civil, le risque d’accoucher avant d’arriver à l’hôpital est multiplié par 2 à partir de 30 minutes. Il est donc impensable qu’on puisse fermer la maternité d’Autun. D’ailleurs, à partir de l’allongement estimé des temps de trajet, en utilisant les données de l’état civil et les résultats de l’enquête bourguignonne, on pourrait très facilement calculer le nombre de mort-nés et d’accidents de la naissance qu’entrainerait à la fermeture de la dite maternité.

    Je vous rappelle que la seule prise en charge adaptée des souffrances foetales aiguës et des urgences obstétricales est l’extraction rapide de l’enfant, ce qui nécessite un service d’obstétrique capable de réaliser des césariennes, acte qui ne peut être réalisé dans un centre périnatal de proximité.

    C’est donc avec le plus grand intérêt que nous avons pris connaissance du rapport de l’IGAS daté de mars 2012, qui fait le bilan de 15 années de restructurations hospitalières. Concernant les maternités, il est dit à l’annexe 6 (§646) que toute fermeture qui « entraînerait une dégradation de la durée des trajets (largement supérieurs à 45 mn en moyenne) est difficilement compatible avec une notion de service public ». Ce rapport ajoute (§20) qu’en « obstétrique, l’enjeu est désormais plutôt (que de fermer des établissements) de s’interroger sur la possibilité d’accorder des dérogations de longue durée aux maternités dont la disparition dégraderait notablement l’accès aux soins, et sur les moyens à employer pour améliorer l’organisation du pyramidage entre maternités de niveau I, II et III ».

    Compte tenu de la localisation du territoire desservi par l’hôpital d’Autun, de la configuration géographique du centre de la Bourgogne et de l’implantation des maternités périphériques encore ouvertes, la maternité d’Autun est de celles qu’on ne pourrait fermer sans compromettre gravement la sécurité des femmes enceintes de l’Autunois-Morvan.

    Même avec la vacance actuelle du poste du Docteur Hibelot, et en attendant le remplacement de ce dernier, la sécurité est toujours assurée à la maternité, même s’il ne reste qu’un obstétricien titulaire, puisque les sages-femmes, dont c’est la compétence, sont tout à fait à même de réaliser les accouchements « normaux » et qu’il existe des possibilités d’interventions 24h/24 d’anesthésiste, d’obstétricien et de chirurgien. Par ailleurs, la maternité est intégrée dans le réseau périnatal de Bourgogne, c'est-à-dire dans l’organisation pyramidale des maternités de niveau I, II et III de la région et est le pivot du réseau de médecins généralistes (RESPAM) qui prennent en charge les femmes enceintes de son bassin de desserte.

    Là encore, nous partageons les conclusions des experts de l’IGAS (§647), à savoir que, concernant ces services qu’on ne peut fermer sans compromettre la sécurité de la population, « il faut accepter de payer plus pour le fonctionnement de ces structures (dotation spécifique) et diminuer les exigences en matière d’effectifs (faute de quoi, on n’arrivera pas à les faire fonctionner) ».

    Aussi, compte tenu de ce qui est dit précédemment, nous vous demandons d’avoir l’obligeance

    - de bien vouloir accorder en urgence à l’hôpital d’Autun les sommes nécessaires à son bon fonctionnement à court terme,

    - de prendre, pour le long terme, toutes les mesures budgétaires et administratives indispensables à la pérennisation de l’ensemble des services de cet hôpital public, dont le maintien est indispensable pour assurer la sécurité des populations dans l’Autunois et le Morvan.

    D’avance nous vous en remercions et vous prions d’agréer, Madame la Directrice, l’expression de notre haute considération.

    La Présidente


    Docteur Evelyne Combier MD PhD
    Pédiatre
    Spécialiste en santé publique

    Copie à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé

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